Durant le week-end, les États-Unis ont vu ressurgir de mauvais souvenirs. Ceux d’une nouvelle crise financière avec les difficultés de Silicon Valley Bank (SVB), 16ème banque américaine en termes de taille, entraînant dans sa chute, Signature Bank. Face au spectre d’une nouvelle crise bancaire, les autorités ont immédiatement réagi d’abord en tentant de trouver un acquéreur à l’établissement en difficulté, puis en lançant une initiative importante pour protéger les clients et ainsi couper court au risque de contagion.
Quel est le problème avec SVB ?
La principale fragilité de l’établissement concerné repose sur la spécialisation sectorielle de sa clientèle, provenant en très grande majorité du secteur des technologies, victime de la nette remontée des taux depuis l’année dernière. Pour faire face aux besoins de liquidités, qui se sont particulièrement accentués au cours des derniers jours, le groupe a donc été contraint de céder des actifs détenus à son bilan. Mais dans le contexte de resserrement monétaire actuel, la valeur de ces actifs (obligations d’ État et obligations adossées à l’immobilier) a significativement chuté du fait de la hausse des taux. Le groupe s’est donc retrouvé dans une situation intenable, ne pouvant faire face aux nombreuses demandes de retrait de ses clients.
Quelles décisions ont été prises ce weekend ?
Les autorités américaines sont rapidement intervenues pour éviter un élargissement du risque de liquidité au reste du secteur bancaire. En effet, s’il ne s’agit pas d’un établissement de taille systémique, les nombreux clients exposés risquaient des pertes significatives, l’assurance de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) se limitant aux dépôts maximums de 250 000$. Or l’immense majorité des dépôts concernés excédaient ce seuil, impliquant de possibles pertes significatives pour des acteurs d’un secteur déjà fragile. Les autorités américaines ont d’abord tenté de boucler un accord de reprise avec des établissements tiers. Face au peu de possibilités offertes, la FDIC a donc pris le contrôle de l’établissement et annoncé des mesures importantes pour éviter la contagion à tout le secteur.
Ainsi, lors d’une annonce conjointe, la FDIC, la Réserve Fédérale et le Trésor américain ont annoncé la création d’une nouvelle facilité de crédit pour les établissements bancaires qui se retrouveraient contraint de céder dans des conditions très défavorables des actifs afin de satisfaire les demandes de retraits de leurs clients. Le Bank Term Lending Program permet ainsi aux banques de bénéficier de facilités de crédit (échéance maximum 1 an) en échange d’actifs déposés en garantie mais dont la valorisation retenue est le pair, et non la valeur de marché. La FDIC confirme également la protection de l’ensemble des déposants auprès de la SVB, et ce indépendamment du seuil de 250 000$. Enfin, la facilité de crédit d’urgence de la Réserve Fédérale (Discount Window) voit s’appliquer les mêmes règles de garantie afin de satisfaire les éventuels besoins de liquidités immédiats.
Pourquoi une réaction aussi rapide de la Fed ?
Par ailleurs, le profil de SVB, qui reste spécifique, révèle néanmoins l’angle mort du secteur bancaire américain que représente les banques régionales. Si les établissements importants, qualifiés de « too big to fail » depuis la grande crise de 2008 disposent d’un soutien implicite des autorités publiques, il en est différent de la myriade de banques plus modestes qui représentent tout de même 47% du secteur bancaire américain (données Bloomberg). Au cours des dernières années, les actifs de ces établissement ont considérablement progressé (autour de 30% du total des banques commerciales américaines), sous l’effet de la faiblesse des taux et des achats d’actifs de la Fed qui ont incité à la détention importante d’obligations souveraines et de titres ciblés par les programmes de Quantitative Easing. Parallèlement, l’activité a été fortement tirée par le succès des valeurs technologies au cours des dernières années, profitant de la même manière de conditions de financement particulièrement attractives. Mais avec le choc inflationniste que nous subissons depuis plus d’un an à présent, la remontée rapide des taux d’intérêt, l’environnement s’est rapidement compliqué. Ainsi, s’il ne s’agit pas d’un évènement systémique comme l’ont été les faillites de grands établissements en 2008, il s’agit d’un risque non négligeable de crise bancaire aux répercussions potentielles importantes, nécessitant une intervention rapide et déterminée.
Quelle réaction des marchés ?
La réaction la plus remarquable provient des anticipations de taux d’intérêt des Fed Funds. En quelques heures, les marchés ont effacé les anticipations de relèvements de 50 bps attendus à la prochaine réunion, et d’après Reuters, la probabilité de taux inchangés est désormais à 46% Le taux terminal est en passe de repasser sous 5%, alors que le taux attendu en décembre prochain s’établit désormais à 4,7%. Les taux souverains ont également réagi fortement avec des baisses de taux massives sur toutes les maturités, soulignant les attentes d’un arrêt du processus de resserrements de la Fed. Du coté des actifs risqués, la volatilité fait son retour, même si l’intervention des autorités américaines contribue à limiter les replis.
Quelles perspectives ?
Historiquement, la résurgence du risque financier par un évènement de liquidité comme celui ci constitue généralement la raison d’un basculement vers des politiques monétaires plus accommodantes. Ce fut notamment le cas en 2018, lorsque Janet Yellen fut contrainte d’interrompre la campagne de resserrements pour baisser les taux et relancer des programmes destinés à faciliter la liquidité face à la baisse inquiétante des réserves des banques. Cette fois ci, la nature systémique n’est pas avérée et les pressions inflationnistes encore loin d’être vaincues avec certitude. Par ailleurs, la mise en place rapide de dispositifs pour lutter contre les effets de contagion plaide même pour une poursuite de l’action de la Fed. Notre scénario reste celui d’un resserrement par étapes plus modérées face à des risques accrus pour le cycle. En effet, la dynamique actuelle de l’inflation, qui repose désormais sur la solidité des marges des entreprises et les salaires, plaide pour un nécessaire freinage de l’économie américaine qui passe par le maintien d’une politique monétaire toujours restrictive. La question toujours
en suspens est de déterminer si l’ampleur du resserrement déjà effectué est suffisante, ou déjà excessive |